N°0 – Prologue

Dire quelque chose à propos de notre temps, à même notre temps, non pas pour s’opposer mais pour faire venir un autre temps.

 

Chercher dans la parole des richesses pour rendre ces écrits voyageurs, traversant des déserts jusqu’au cœur du jaillissement, jusqu’à toi submergé par des montagnes des discours.

 

Dire quelque chose suivant un ordre improbable, suivant l’écume des vagues, les traces du monde, afin de laisser venir la lumière autrement.

 

Dire quelque chose au plus près du silence, au plus loin du vacarme des voix affamées de certitudes et de faciles satisfactions, au plus près du geste qui accueille ce qui rarement s’ose, ce qui rarement nous fait signe, ce qui pourtant subside dans notre noir sillon.

 

Prendre des chemins qui n’existent pas dans la géographie du monde plat qu’est devenu le nôtre ;chemins qui se déploient au fur et à mesure des pas accomplis, chemins d’un voyage immobile où la destination ne se donne pas par le GPS, mais par l’engagement et l’endurance de la marche.

 

Se perdre dans l’étendue de la solitude et appeler une proximité, toujours, inattendue, une rencontre insoupçonnée avec ce qui fini par ne plus se dire.

 

Te dire l’ignorance qui est la mienne, au sommet des savoirs qui respirent à ma place et le travail de penser et de parler, que je dois faire pour trouver un peu d’air qui n’agresse pas mes poumons.

 

Te dire que je n’arriverai pas. Je me perdrai dans des dédales anciens, restant muet, pris par un silence qui, cette fois, ne sera pas un silence d’impuissance mais de gloire. La finitude de ma pensée, loin de me desservir, m’offrira une humble reconnaissance de l’inaudible, de ce qui reste, toujours, à venir. Dans cet inaccomplissement tu pourras grandir de mes faiblesses. Tu te rendras compte que ce qui est à retenir se trouve dans ce qui n’a pas pu être dit. Ce que tu devras dire.

 

T’adresser, du front de l’existence humaine, un partage, sans attendre en retour un quelconque profit, mais le simple apaisement d’un geste gratuit.

                                                                                                          

                                                                                                        Nikos Precas

 

PS : Quoi qu’il arrive je suivrai le chemin qu’ouvre la phrase de Nietzsche : « Écrits avec ton sang et tu t’apercevras que ton sang est esprit. »